Les sujets atteints de céphalées migraineuses vivent souvent ce que j’appelle « l’injustice du plâtre ».
Je m’explique : si vous croisez un ami dans la rue avec un plâtre à sa jambe droite, déambulant avec des cannes anglaises, vous vous empresserez de lui demander des nouvelles et votre empathie sera d’emblée totale . Or, les migraines demeurent invisibles au contraire du « plâtre » , pour ceux qui n’en souffrent pas. Leur caractère répétitif est un facteur aggravant car , les années passant, le patient « n’osera plus se plaindre » en société de peur de passer pour quelqu’un de douillet , voire même d’hypochondriaque ! La vie de relation qu’elle soit familiale ou professionnelle s’en trouve très perturbée poussant parfois le sujet au repli sur soi, à la fatalité, parfois même à la dépression.
La migraine est une variété bien précise de céphalée , survenant par accès intermittents, entre lesquels le sujet ne souffre pas. La céphalée est souvent hémicrânienne, pulsatile, accompagnées de nausées ou de vomissements, et précédées de troubles visuels. Ainsi définie, la migraine est une affection fréquente, touchant moins de 10% des individus et avec une proportion de 2 femmes pour 1 homme.
Il existe 3 grandes variétés de migraines :
- migraine ophtalmique,
- migraine commune,
- migraine accompagnée.
LA MIGRAINE OPHTALMIQUE
C’est la variété la plus typique, sinon la plus fréquente. La survenue de la crise est souvent annoncée dans les heures et parfois les jours qui précèdent, par des prodromes : troubles digestifs vagues et variables, modification de l’humeur, dépression passagère avec tristesse, fatigue intense, irritabilité particulière ou au contraire, excitation psychique avec un état d’euphorie et une capacité de travail accrue.
En premier lieu, l’accès est marqué par des troubles visuels : scotome scintillant c’est à dire un point lumineux devant les yeux, mobile avec le regard. Il se déplace , s’étend et dessine parfois la limite d’un « croissant ». Tout ce scotome est aveugle.
L’hémianopsie (perte ou diminution de la vue dans une moitié du champ visuel d’un oeil ou des deux yeux) constitue le deuxième grand type de trouble visuel de la migraine ophtalmique.
C’est en général au moment où les troubles visuels (dont la durée est de quelques minutes à 1/2 heure) disparaissent , que l’accès entre dans sa phase douloureuse. Le siège de cette céphalée est souvent unilatéral, à prédominance fronto-orbitaire (Niveau du front et des yeux) mais peut aussi être diffus avec irradiations cervicales (douleur, raideur de la nuque).
Le malade me décrit une sensation de broiement ou d’écrasement : on lui « martèle » la tête, on lui « enfonce des coins » dans le crâne , il lui semble que sa tête va « éclater »…
La céphalée est continue, mais s’exagère fortement à la moindre impression sensorielle un peu vive : bruit, lumière, le fait de se pencher en avant, d’éternuer ou de tousser. La douleur s’accompagne d’un sentiment général de malaise et d’angoisse pouvant aboutir à un état vertigineux très caractéristique de la céphalée migraineuse. Je compare cet état à celui du mal de mer : sujet pâle, présentant des nausées et bientôt des vomissements. Souvent la fatigue, l’état d’abrutissement dans lequel se trouve le malade, se transforment en un sommeil lourd et réparateur qui marque la fin de l’accès migraineux.
LA MIGRAINE COMMUNE
Elle ressemble à la migraine ophtalmique, décapitée de ses symptômes visuels. L’accès est plus volontiers intermittent (par crises) et quelques signes d’accompagnement à type digestif sont observés.
Cependant, il n’est pas rare de voir un même patient alterner ces deux types de céphalées (ophtalmique et commune) avec une fréquence variable selon les périodes de l’existence.
LA MIGRAINE ACCOMPAGNEE
Certains sujets présentent à l’occasion de leur accès migraineux, des troubles neurologiques passagers, les plus fréquents étant des paresthésies (sensation de fourmillements, d’engourdissements ou autres picotements pouvant être ressentis dans diverses parties du corps, en particulier les membres et leurs extrémités (bras, mains, jambes, pieds)).
Il peut également exister des troubles cochléo-vestibulaires c’est à dire des vertiges voire des troubles de la vigilance.
Ces migraines accompagnées peuvent parfois avoir un caractère très impressionnant et inquiétant en raison de ces manifestations neurologiques.
ASPECTS EVOLUTIFS DES MIGRAINES
L’évolution générale de la maladie migraineuse est très variable d’un sujet à l’autre. Il est fréquent d’assister au cours de l’existence, à des modifications considérables dans la fréquence, l’intensité ou même l’aspect des crises. Souvent, les premiers aspects apparaissent lors de l’adolescence , volontiers autour de la puberté. J’observe régulièrement des épisodes dans l’enfance de vomissements fréquents et de mal des transports. Certaines migraines sont bénignes parce-que les accès sont espacés, d’intensité modérée , aisément calmées par les antalgiques. Chez d’autres par contre, la maladie prend un caractère grave et invalidant surtout en raison de leur fréquence.
Au point de vue de l’évolution, il n’est pas rare d’assister, dans la deuxième partie de la vie, à une diminution de la fréquence des accès , voire même à leur disparition en particuliers au moment de la ménopause qui parait marquer un tournant évolutif chez la femme. Cependant, il est à noter qu’il existe aussi des migraines d’apparition tardive et pouvant débuter à la ménopause alors qu’auparavant, il n’y a jamais eu de crises migraineuses.
PHYSIOPATHOLOGIE DES MIGRAINES
Le facteur familial est retrouvé dans environ 70% des cas. Mais il faut aussi noter en particuliers les facteurs psychiques : états de tension, situations conflictuelles, dépressions, états d’anxiété aggravent la migraine. A contrario, je ne compte plus les cas où les crises apparaissent assez volontiers en fin de semaine (we) ou aux vacances ce qui apparait comme excessivement paradoxal pour le patient !!
Les facteurs alimentaires sont souvent incriminés : HYPPOCRATE disait il y a 2500 ans : »Nous sommes ce que nous mangeons ».
A ce sujet, j’ai pu observer quelques dominantes : le café au lait, le chocolat, l’excès d’acidité (tomates, oranges, vinaigre, cornichons, pamplemousses…) mais également la plupart du temps un excès de produits animaux comme la viande rouge.
Le rôle des facteurs endocriniens est présent : la grossesse améliore les crises, la pilule contraceptive peut révéler ou aggraver une migraine ce qui doit faire renoncer à ce type de contraception.
LA PLACE DE L’OSTEOPATHIE
Alors, et maintenant ? Comment intervenir pour limiter, diminuer ces accès d’états migraineux ?
Il nous faut au préalable , définir le champ d’action de l’ostéopathe , à savoir la sphère crânienne . Il faut savoir que le crâne n’est pas une boite hermétiquement fermée dont le seul contenant serait le cerveau…
Il est en réalité composé de 18 os dont nous ne ferons pas la liste exhaustive ici. Schéma Crâne Ceux-ci sont tout ou en partie liés, soit par des sutures, sortes de « fermetures éclairs » très serrées, soit par de vraies articulations comme l’articulation temporo-mandibulaire (articulation de la mâchoire).
Plusieurs trous définissent également ce crâne : les orifices orbitaires et auriculaires évidement pour les yeux et les oreilles, mais aussi d’autres comme le foramen magnum à la base du crâne (le plus volumineux) qui laisse le passage notamment à la moelle épinière , les trous déchirés postérieur et antérieur qui livrent le passage de nerfs et vaisseaux très importants ,et bien d’autres! Trous du crâne
L’intérieur du crâne contient le cerveau et le cervelet mais aussi un vaste réseau sanguin permettant d’assurer son oxygénation et son drainage. Le cerveau est ainsi protégé par les os de la boite crânienne mais aussi par des membranes ou feuillets que l’on appelle méninges (au nombre de 3 la plus connue étant la dure-mère). Elles sont disposées à la manière d’un mille-feuilles et tapissent l’ensemble de l’intérieur du crâne définissant ici et là des cloisons (appelées faux ou tente), et des sinus sortes de canaux par où chemine le sang non oxygénéSinus veineux
Ces 3 feuillets permettent aussi de véhiculer le liquide céphalo-rachidien (LCR) dans tout l’organisme .
L’ostéopathe interviendra sur ces différentes parties soit de façon directe (os du crâne), soit de façon indirecte (par projection de ces manipulations et relais fait par les méninges notamment)
Le corps étant un « tout », l’ostéopathe pourra intervenir hors du champ crânien et ainsi appliquer des techniques au niveau du sacrum, de la colonne vertébrale mais aussi de la sphère abdominale ou même des pieds !!
CONCLUSION
Au-delà des cas faisant partie des diagnostics d’exclusion ayant été posés lors de l’interrogatoire initial (c’est à dire ne relevant pas de notre compétence), la plupart des patients migraineux pourront trouver une amélioration en quelques séances. En règle générale, plus ancienne est la céphalée migraineuse, plus long sera le suivi ostéopathique.
Il n’est pas rare de voir arriver un patient souffrant d’accès migraineux depuis des dizaines d’années, et justifier sa prise en charge tardive soit par « je m’étais résolu à cette souffrance » soit par « je ne pensais pas que l’ostéopathie pouvait m’aider ». En tout état de cause, et même dans le cas d’une migraine très ancienne, je propose généralement un prise en charge de 3 séances incompressibles (sur 2 mois) au-delà desquelles un bilan est établi.